
Ablation du Matériel d’Ostéosynthèse
L’ostéosynthèse
Chaque année, après une fracture d’un os ou d’une articulation, des centaines de milliers de patients ressortent des blocs opératoires de chirurgie orthopédique avec des implants métalliques fixés sur un ou plusieurs de leurs os.
Des matériaux servant à fixer en bonne position les différents fragments de la fracture pendant que celle-ci consolide, ces broches, vis, plaques vissées ou clous peuvent être retirés après consolidation lors d’une nouvelle intervention ou, au contraire, rester en place. C’est le chirurgien orthopédiste qui en décidera avec chaque patient en apportant une réponse individualisée à son cas.
L’ostéosynthèse est une intervention de chirurgie osseuse très répandue. Elle consiste après avoir remis en bonne place les fragments d’un os cassé (la « réduction »), à les maintenir entre eux jusque ce que la fracture consolide. L’ostéosynthèse est utilisée lorsque les autres moyens de contention, tels que les plâtres, par exemple, ne suffisent pas. Le chirurgien orthopédiste place des implants d’ostéosynthèse à la surface des fragments d’os (pour les plaques et les vis), ou à leur intérieur même (pour les clous et les broches). Moins fréquemment, il place un fixateur externe, un système provisoire de fixation des fragments d’os depuis l’extérieur du corps en passant à travers la peau et les muscles.

Ces implants d’ostéosynthèse utilisés sont tolérés par le corps humain, non résorbable, métallique en acier ou titane ou en alliages (avec du cobalt, du nickel ou du chrome). Leur rôle, par l’immobilité relative des fragments d’os obtenu, est de permettre la consolidation naturelle de l’os en bonne position tout en permettant souvent une rééducation fonctionnelle précoce.
Indication chirurgicale
L’implant d’ostéosynthèse est nécessaire de quelques semaines pour les broches à généralement douze mois jusqu’à la consolidation totale pour une plaque-vissée ou un clou. La décision du chirurgien orthopédiste de l’enlever ou de le garder toute la vie doit être adaptée au cas de chaque patient.
- • Chez les enfants (en cours de croissance), une fois que la consolidation de l’os est réalisée, la décision de l’ablation est systématique à l’exception des implants du rachis.
- Chez l’adulte, une fois que la consolidation de l’os est réalisée, c’est-à-dire après des délais respectés, la décision d’ablation est systématique pour les broches d’autant que, délibérément, elles sortent de la peau ou qu’elles sont saillantes sous la peau au coude ou à la rotule.
Pour les autres cas, de nombreux paramètres rentrent en ligne de compte pour décider ou non de retirer l’implant d’ostéosynthèse.
La décision peut être prise :
- Devant une douleur ou une gêne éventuelle du patient, chez qui une vis, une plaque, un clou sont gênants sous les muscles ou les tendons, d’autant qu’ils sont proches d’une articulation.
- De principe, face à une plaque ou un clou qui prennent les contraintes physiques à la place de l’os, os qui à la longue finit par s’atrophier au risque d’entraîner une nouvelle fracture.
- De principe, face à une plaque près d’une articulation ou un clou à l’intérieur de l’os, car ils constitueront un obstacle parfois pour mettre en place des années plus tard une éventuelle prothèse de hanche ou de genou. • exceptionnellement, pour une allergie au métal, mais plus souvent pour une infection au contact de l’implant, un implant démonté ou un implant rompu, car la fracture qu’il maintenait n’a pas consolidé.
En revanche la décision ne peut être prise lorsque la fracture était due à un os trop fragile (généralement dû à l’ostéoporose), ou lorsque l’état de santé du patient est trop précaire.
Préparation intervention chirurgicale
Consultation chirurgicale
La consultation avec le chirurgien a pour but de discuter de l’indication chirurgicale. L’examen de l’ensemble du membre concerné, apprécie la démarche, le passage du pas, l’axe des membres inférieurs. Votre état cutané et vasculaire sera vérifié.
Cette consultation doit vous permettre de prendre votre décision concernant ce geste chirurgical et sa chronologie. Vous aurez aussi discuté avec le chirurgien des risques et avantages de l’intervention. En effet, même si cette intervention est pratiquée maintenant de manière courante, il n’en reste pas moins qu’elle présente des risques comme toute intervention, la plus minime soit-elle.
Bilan préopératoire
Votre chirurgien vous prescrira de façon non systématique après avoir posé l’indication et décidé d’une date pour la réalisation de l’intervention chirurgicale, un bilan préopératoire en fonction de vos antécédents médicaux.
D’autres explorations plus spécifiques peuvent vous être demandées si nécessaire à la suite de la consultation du chirurgien : un complément d’imagerie (radiographie), ou autres.
Consultation anesthésique
L’ablation du matériel sur un membre se fait soit sous anesthésie générale soit sous rachianesthésie ou sous anesthésie locorégionale. Afin de diminuer les risques liés à cette anesthésie, une première consultation d’anesthésie est réalisée à distance de l’intervention (environ 1 mois avant en moyenne). Celle-ci permet un bilan de votre état de santé général (cardiaque pulmonaire, vasculaire…), l’appréciation du terrain (extension du bilan usuel), le dépistage et l’éradication de tout foyer infectieux latent (avec les résultats du bilan prescrit lors de la consultation de programmation de l’intervention).
L’anesthésiste peut être amené à vous recommander de stopper la prise de certains médicaments (ASPIRINE et antiagrégants plaquettaires) quelques jours avant l’intervention. Pensez à bien respecter ces consignes, car en cas d’oubli cela pourrait entraîner un report de l’intervention.
Recommandation préopératoire
Il est impératif d’arrêter de fumer 6-8 semaines avant l’intervention afin d’éliminer ce risque supplémentaire. Si vous fumez, parlez-en à votre médecin, votre chirurgien, votre anesthésiste ou appelez la ligne Tabac-Info-Service au 3989 pour vous aider à réduire les risques et mettre toutes les chances de votre côté.
Intervention Chirurgicale
Les interventions d’ablation d’implants sont de véritables interventions chirurgicales réalisées sous anesthésie locale ou générale selon le cas. Courantes, représentant 6% de toutes les opérations de chirurgie orthopédique, elles font l’objet d’une grande attention de la part des chirurgiens orthopédistes pour n’apporter que des bénéfices aux patients et éviter des complications postopératoires.
Les Complications
Le chirurgien orthopédiste informe systématiquement le patient du rapport-bénéfice potentiel / risques pour décider avec lui de la meilleure décision à prendre et l’informe des précautions postopératoires à suivre (marche provisoire avec des béquilles, délais de reprise d’une activité sportive…).
Outre les risques inhérents à toute intervention chirurgicale (infection, paralysie nerveuse, risques anesthésiques), l’ablation de matériel d’ostéosynthèse peut exceptionnellement s’accompagner d’une fracture en cours d’intervention, mais surtout il existe un risque de refracture dans les semaines qui suivent si la fracture n’était pas suffisamment consolidée ou si les efforts appliqués sur l’os précocement après l’ablation sont trop importants.
Questions Divers
L’ablation doit-elle être toujours systématique ?
Non. Les matériaux utilisés sont « inertes », ils ne provoquent pas de rejet ni de réactions de l’organisme. Qu’il s’agisse de titane, d’alliage de chrome-cobalt ou autres, ils ne se dégradent pas. Il n’y a donc pas de raison biologique pour retirer systématiquement le matériel, ce dernier peut rester en place indéfiniment.
Est-il parfois obligatoire ou vivement recommandé de se faire retirer le matériel ?
Oui. Dans certaines localisations ou circonstances, la présence du matériel peut causer des lésions à long terme telles que l’irritation d’un tendon, le blocage d’une articulation…
Ainsi, sauf exception, on retire :
- Le matériel qui bloque partiellement ou totalement une articulation. (Ex les vis de syndesmodèses dans les fractures de chevilles qui fixent provisoirement le tibia au péroné)
- Les broches qui peuvent migrer dans le temps et dont l’extrémité pointue peut parfois abimer un tendon, un muscle…
- En cas d’infection locale, on retire le matériel s’il n’est plus utile. Les bactéries ont tendance à se fixer dessus et le conserver diminue les chances de succès du traitement.
- En cas de non-consolidation osseuse (pseudarthrose).
- Migration du matériel.
- Fracture d’implant.
Est-il parfois déconseillé de se faire retirer le matériel ?
Oui. Avant toute intervention, il faut mesurer les bénéfices, les risques et faire la balance des deux. Si les bénéfices sont supérieurs, il est logique de réfléchir à l’intervention, si les risques sont supérieurs, il faut conserver le matériel. Par exemple, dans les fractures de l’humérus, le nerf radial qui commande une partie de la motricité de l’avant-bras et de la main est au contact de la plaque de synthèse. Le matériel est donc collé au nerf et ce dernier est souvent coincé dans du tissu cicatriciel. Il y a donc un risque de paralysie transitoire ou permanent à retirer le matériel. Si le bénéfice de le retirer est de ne plus avoir de corps étranger, car cela est psychologiquement désagréable, cela ne vaut à priori pas la peine de prendre un risque de paralysie. À l’inverse, si c’est le seul moyen de guérir d’une infection qui empêche l’utilisation du bras, il semble logique d’accepter la prise de risques.
Quels sont les bénéfices à se faire retirer le matériel ?
Dans certaines localisations, le matériel peut être responsable d’une gène ou de douleur. Le cas le plus fréquent est la plaque externe utilisée dans les fractures de cheville. Sa localisation sous la peau souvent au contact du rebord de la chaussure est très souvent responsable d’une gène. À l’inverse, une plaque de fémur, largement recouverte par les muscles est rarement ressentie par le patient.
Le matériel est donc régulièrement responsable :
- d’une douleur à sa palpation
- d’irritations liées au frottement de l’implant sous la peau
- de sensation de pincement autour du matériel.
La difficulté est que ces signes peuvent aussi être dus au tissu cicatriciel ou à des séquelles liées à la fracture. Il faut donc bien avoir à l’esprit que l’ablation peut ne pas résoudre les choses et qu’il est très difficile de prédire à l’avance le résultat.
Cependant, plusieurs études montrent qu’en moyenne, le retrait du matériel est effectivement associé à une baisse des douleurs (1). (Attention, cela ne veut absolument pas dire que tous les patients ont été améliorés et ce qui est vrai pour la moyenne ne l’est malheureusement pas forcément pour vous)
Quels sont les risques à se faire retirer le matériel ?
Il faut retenir qu’il n’existe pas, en chirurgie, de petites interventions et que les ablations de matériel sont régulièrement plus difficiles que prévu. Ces difficultés varient énormément selon le type des implants, l’os sur lequel il est situé et les nerfs, vaisseaux, muscles situés au contact ou dans la cicatrice. Il est donc difficile de faire une liste exhaustive, cependant, les principaux risques sont :
- une fracture de l’os
- le matériel peut se casser ce qui rend alors son ablation compliquée voir dangereuse. Dans certains cas, il est d’ailleurs préférable de laisser une partie du matériel même si ce n’était pas initialement prévu.
- certains nerfs ou vaisseaux peuvent parfois être abimés, car bloquer dans la cicatrice ou être en position anormale suite à la précédente intervention
- une infection nosocomiale peut survenir suite à la chirurgie
Il faut donc absolument discuter avec votre chirurgien sur les risques vraiment spécifiques à l’ablation de votre matériel.
Puis-je faire du sport avec du matériel ?
Oui, la présence du matériel ne contre-indique pas la pratique du sport. Parfois, il se posera tout de même la question de le retirer s’il provoque des douleurs au sport et que les risques de l’ablation paraissent mesurés. Attention, certains sports sont interdits après certaines chirurgies, sans que cela soit lié aux implants. Par exemple, la fixation de certaines vertèbres du cou interdit la pratique du rugby.
Dois-je faire retirer mon matériel si je souhaite faire de la moto ?
Non, mais parfois oui… Légalement, on a le droit de faire de la moto avec un clou de tibia ou un clou de fémur. Tous les chirurgiens n’ont pas les mêmes habitudes. Certains recommandent de retirer le matériel chez les motards, d’autres non. Les motards s’étant déjà fracturé le tibia ou le fémur ont souvent des clous. Le problème est le risque important de nouvelles chutes et traumatismes sur le membre déjà opéré. Les arguments pour garder le clou sont d’éviter une intervention chirurgicale et aussi d’éviter une nouvelle fracture lors de certaines chutes grâce à la présence du clou. L’argument pour le retirer est qu’en cas de fracture de l’os autour du clou ou fracture de l’os et du clou, la chirurgie est beaucoup plus complexe.